Lettre pastorale des évêques de France : « Ô mort, où est ta victoire ? »
Lors de leur dernière assemblée plénière à Lourdes, les évêques de France ont écrit une lettre pastorale, intitulée : « Ô mort, où est ta victoire ? »
Depuis que le monde existe, l’homme essaye de trouver LA réponse à la souffrance et à la mort qui taraudent sa vie. Déjà, les évêques, réunis au concile Vatican II, avaient dit qu’« En osant regarder la mort avec Jésus, nous pouvons amorcer une réponse ».
Si la mort nous blesse, les évêques de France constatent que nous ne sommes pas sans espérance (démunis), car sinon pourquoi prions-nous pour les morts sinon parce nous voulons que nos défunts connaissent le bonheur éternel ? Notre espérance se trouve dans le Christ, « premier-né d’entre les morts » (1 Co 15, 22).
Malgré les progrès réalisés depuis une cinquantaine d’années, la mort reste présente, avec son cortège d’anxiété. Les soins palliatifs restent une avancée à développer pour vivre ce temps (domicile, EHPAD, hôpital…). Face à la souffrance que l’on peut plus supporter, le désir peut être « d’en finir » en choisissant le suicide assisté ou l’euthanasie, devenue « aide active à mourir ». Deux attitudes qui :
- transgressent l’interdit du « Tu ne tueras pas » que l’homme porte au fond de lui-même,
- brouillent la réalité du soin et de l’accompagnement,
- interrogent la fraternité
- et créeront d’autres souffrances (remords, culpabilité…).
Le choix de la fraternité choisit l’accompagnement, envers et contre tout, à l’image du bon Samaritain (Lc 10, 33-35). L’accompagnement peut aller jusqu’à la sédation pour alléger la douleur (et non donner la mort), décidé de manière toujours collégiale, dans un échange délicat avec les proches, notamment pour laisser le temps de vrais adieux, autant que possible.
Pour le chrétien, les « directives anticipées » ont leur source dans son baptême (qui plonge dans la mort et la résurrection du Christ et fait mener une « vie nouvelle »), qu’elles soient écrites ou simplement transmises oralement à une « personne de confiance ». Elles feront que sa mort :
- ne soit ni volée ni imposée à Dieu,
- un passage offert librement pour le salut du monde et la gloire de Dieu,
- un acte de confiance en l’infinie miséricorde de notre Dieu plus grand que tout.
Aussi, est-il important de bien comprendre « l’intention » dans les décisions médicales en fin de vie et de s’aider mutuellement en s’écoutant pour discerner les choix de vie, tout en consentant à la mort qui vient.
Envisager la légalisation comme l’expression de la liberté individuelle et de l’autonomie, c’est :
- oublier la dimension éminemment sociale de la mort,
- la solidarité humaine qui en découle,
- la liberté d’autrui convoquée à réaliser cette « aide active à mourir »
- la transformation profonde de la mission des soignants.
Les évêques de France rappellent que la véritable liberté grandit dans la relation, qu’elle demande d’assumer ce que nous sommes en vérité : des êtres mortels qui ne s’appartiennent pas, sans quoi le mal-être de notre société augmenterait et notre humanité s’enfoncerait un peu plus dans l’individualisme mortifère. Aussi, plutôt se préparer à la maladie et à la mort en s’angoissant, mieux vaut apprendre qu’être dépendant n’est pas une déchéance : la condition humaine est belle dans le fait même que nous sommes dépendants les uns des autres.
Les évêques terminent en invitant à lire et à méditer la prédication de Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, au chapitre 15. Ils rendent grâce pour les soignants, les aidants, les aumôniers des hôpitaux et des EPHAD, pour le personnel dévoué, les bénévoles et les visiteurs bienfaisants de nos parents et amis en établissements de santé, et pour les frères et sœurs qui tiennent la main de ceux qui nous quittent, souvent en leur demeurant proche dans le silence. Car tous contribuent à la victoire de la paix !
- Site CEF – Fin de vie
- Site CEF – Fin de vie : oui à l’urgence de la fraternité ! (déclaration des évêques de France le 22.03.2018)