Méditation – « Quand le fouet a déchiré » (H 45)
Le directeur de l’Agence régionale de Santé (ARS) Grand-Est a provoqué l’ire de nombreux élus lorrains ces derniers jours en estimant qu’il n’y a « pas de raison » d’interrompre la suppression des postes et de lits au CHU de Nancy : « nous aurons quelques semaines de retard mais la trajectoire restera la même ! » Provocation ? Cynisme ? Bêtise ? Inconscience ? Ballon d’essai ? La réponse du ministre de la Santé est-elle plus rassurante ?
« L’heure viendra de tirer les enseignements de cette crise sans précédent et de refonder notre hôpital. Tous les plans de réorganisation sont évidemment suspendus à la grande consultation qui suivra. » Et l’on pouvait lire juste en dessous cette brève du ministre de l’Économie : « Je préfère que nous nous endettions aujourd’hui en évitant un naufrage plutôt que de laisser détruire des pans entiers de notre économie. »
Aujourd’hui ! Et demain ? L’heure ne sera-t-elle pas à la reprise prévue du plan de suppression de 174 lits et de 598 postes (sur 9000), arrêtée pour cause de coronavirus ? Comment, quand on est soignant, ne pas se sentir profondément méprisé, injurié, lâché, rabaissé à la valeur d’une variable d’ajustement économique ?
La Passion du Christ est bien la leurs et celle de toutes celles et ceux qui ont contracté le Covid-19, plus particulièrement ceux qui sont hospitalisés en réanimation : « Quand le fouet a déchiré l’homme-Dieu, quand on a frappé l’amour innocent, on attendait ce jour-là que les pierres crient… »
Comment l’homme peut-il se croire supérieur à tout ? Penser qu’il peut tout maîtriser sans avoir à rendre compte ? Tout asservir à ses besoins et fantasmes les plus fous sans remarquer qu’il creuse lentement sa tombe, plus vite ces derniers temps, malgré les signaux répétés qu’il reçoit, d’une manière ou d’une autre, le Covid-19 en étant une ?
Dans un tel contexte, comment Dieu peut-il se faire entendre ? Le rejoindre encore ? La Bible nous offre ce matin ce passage du livre de Zacharie (Za 12, 10-11a) :
« Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication. Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ; ils feront une lamentation sur lui comme sur un fils unique ; ils pleureront sur lui amèrement comme sur un premier-né. En ce jour-là, il y aura grande lamentation dans Jérusalem. »
Avec le psalmiste, demandons à Dieu qu’il nous défende et nous libère de l’homme qui ruse et trahit (Ps 42, 1-5). Puis, rendons-lui grâce avec le cantique d’Ézéchias (Is 38, 10-20), lui qui justifia les multitudes en se chargeant de leurs péchés (Ps 64, 2-14).
P. Olivier Dobersecq
07.04.2020