Un silence douloureux
Alors que tout nous appelle à être dehors, nous restons chez nous…
Alors que nous nous interrogions, il y a peu, sur les avancées de la science, en particulier, en bioéthique et des craintes qu’elle conduise au transhumanisme (l’homme augmenté), nous voilà réduits à nous inquiéter du nombre de lits de réanimation et à faire un décompte macabre quotidien dans un silence assourdissant.
Alors que ce temps nous invite à nous extraire de nous-même, le silence entourant les l’EHPAD nous interpelle puisque jusqu’à la semaine dernière, les décès dans les EHPAD étaient exclus du décompte.
L’EHPAD, qu’est-ce-que c’est ?
L’Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes est une structure médicalisée qui fournit un accompagnement du quotidien et des soins à ceux qui sont emmenés à y vivre.
La Pastorale de la Santé est présente, dans cette structure, par le biais d’aumôniers ou de bénévoles, et accompagne le passage en institution. C’est une occasion insoupçonnée de recueillir des paroles de personnes dont le choix n’a pas toujours été libre parce qu’il est ressenti, par certains comme un ultime déménagement, une dernière maison.
Une période de la vie dont le maître-mot se résume ainsi « s’adapter ». S’adapter à un nouvel environnement, à son corps qui change, à une perte de ses capacités, à un corps qui bride…
Un corps qui manifeste des douleurs… Un silence douloureux.
Alors que l’épidémie ravage :
– un silence s’instaure comme règle et accompagne tous ces résidents,
– un silence s’impose et accompagne tous ces décès,
– un silence se construit et coordonne les actions dans ces lieux de vie, une vie dont on cherche trace.
C’est un silence douloureux qui nous étreint, nous inquiète et nous dit combien l’homme peut être fragile, pas seulement ceux qui, âgés, vivent un confinement supplémentaire par les liens coupés avec leurs familles.
C’est un silence douloureux qui nous empoigne et nous dit combien notre humanité tient à un fil et dans la situation que nous vivons, notre humanité tient à des masques ou des sur-blouses.
C’est un silence douloureux qui nous enseigne sur la précarité de la vie humaine alors que des sommes incalculables sont investies dans des choses auxquelles nous ne voulons renoncer.
Nous subissons ce silence d’autant plus douloureusement qu’il accompagnera tous les rites de la Semaine sainte puis de la fête de Pâques, journée de réjouissance pour les chrétiens :
– L’entrée de Jésus à Jérusalem s’est faite dans le silence. Parlons-en du dimanche des rameaux…
– Les derniers jours de la vie de Jésus parmi nous, sont accompagnés par un silence inédit. En son temps, la passion du Christ était accompagnée, de loin ou de près par des disciples troublés par la souffrance infligée mais aussi par une foule inquisitrice. Dans les récits qui nous ont été rapportés, nul n’était confiné, bien au contraire, le sort du Condamné en valait la peine.
– Et, de là où nous sommes, nous assisterons silencieux, à la mort et à la résurrection du Christ….
La prière communautaire et festive de Pâques se fera dans un silence douloureux.
Au cours de nos visites, nous entendons souvent : « J’en ai vu d’autres… » par des personnes qui ont épuré, qui se sont dépouillées, qui se retrouvent là avec le minimum, qui gardent l’essentiel… pour une nouvelle vie en EHPAD.
« Voici que je fais toutes choses nouvelles »[1], en ce temps du confinement.
[1] Apocalypse 21, 5
Marguerite Didia
– Maurice Zendel-Il s’agit de vaincre la mort.
– Méditation – « Ah ! Les masques ! » (P. Olivier Dobersecq)
Autres regards croisés des deux responsables diocésains de la Pastorale de la santé