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Méditation : « Piégés » et solitude : hier et aujourd’hui

Dans le journal SUD OUEST de ce jour (09.04.20), dont j’apprécie le contenu de l’édition régionale, conséquence du confinement en raison du Covid-19, deux phrases ont retenu mon attention. La première est celle du Pr Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux et membre du comité scientifique Covid-19 auprès du gouvernement : « le virus ne nous a pas piégés » mais « nous nous sommes piégés ». La seconde phrase est le gros titre : « La solitude des infirmiers libéraux ».

Pourquoi cette interpellation ? Sans faire de comparaison « serrée » ou de copié-collé, j’y vois néanmoins la vie de Jésus, surtout sa Passion, avec un procès qui s’est déroulé en réalité durant toute sa vie publique, puisque les évangiles nous racontent que les pharisiens, les docteurs de la loi, les scribes et autres, tous ou individuellement, ont essayé de le faire chuter par des questions fallacieuses dont il sut toujours trouver la réponse… du fait de son bon sens. Ainsi ils n’ont pu le discréditer vis-à-vis de la foule, encore fidèle et joyeuse le Dimanche des rameaux… Ce qui fait qu’ils ont dû soudoyer des « témoins » pour obtenir ce qu’ils recherchaient depuis longtemps : sa mort. La suite montre que leur piège s’est naturellement refermé sur eux, les mettant dans une situation pire comme le rapporte l’évangéliste Matthieu : « les grands prêtres et les pharisiens se sont rendus ensemble chez Pilate pour lui dire : ‘Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : “Trois jours après, je ressusciterai.” Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : “Il est ressuscité d’entre les morts.” Cette dernière imposture serait pire que la première. Pilate leur déclara : ‘Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez !’ Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde. » (Mt 27, 63-66).

Un dicton dit : « Deux précautions valent mieux qu’une ». C’est ainsi que le matin de la résurrection « (…), quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. Ceux-ci, après s’être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.” Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. » Les soldats prirent l’argent et suivirent les instructions. Et cette explication s’est propagée chez les Juifs jusqu’à aujourd’hui. » (Mt 28, 11-15).

Jésus n’a piégé personne. Ils se sont piégés eux-mêmes en refusant de l’écouter et de voir que ce qu’il disait et réalisait était bien l’accomplissement de la Loi et des prophètes, cette Loi qu’ils défendaient par amour de Dieu, bec et ongle. Souhaitons que le debriefing de cette crise sanitaire, qui ne touche pas uniquement la France mais également bien des pays du monde, soit à la hauteur de l’événement, laissant de côté la recherche rassurante du bouc-émissaire comme l’écrivait la veille, dans le même journal, l’éditorialiste Christophe Lucet : « Cette recherche du bouc-émissaire, si bien décrite dans les récits évangéliques et qu’on ne saurait trop conseiller de relire en cette Semaine sainte confinée, est d’autant plus choquante que la tâche des politiques, administratifs et des médicaux est ingrate et difficile. » Il concluait : « D’ici-là, gardons-nous de prêter l’oreille aux donneurs de leçons. »

Si nous relisons les récits évangéliques de la Passion, que voyons-nous ? Outre le fait que les pharisiens, les docteurs de la loi, les scribes et autres se piègent sans s’en rendre compte, Jésus est seul comme aujourd’hui les infirmiers libéraux se sentent seuls, doublement seuls, parce qu’ils sont obligés de vivre le système D toute la journée pour exercer leur profession et des médias qui parlent très peu d’eux, comparés aux médecins et soignants travaillant dans les hôpitaux.

Jésus dira à ses disciples par l’intermédiaire de Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? » (Mt 26, 40). Il repart prier seul, revient, les trouve à nouveau endormis, repart prier, revient et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. » (Mt 26, 45)

Solitude également au moment de la crucifixion : la grande foule des Rameaux est absente comme le sont les apôtres, à l’exception de Jean, le disciple qu’il aimait, de Marie sa mère, de quelques femmes qui le suivent jusqu’au bout et de quelques curieux, friands du sensationnel comme on en voit aujourd’hui.

On a cru que l’amour de Dieu, dont Jésus dont nous aimait, nous piégeait et l’on s’en est défendu. Celui qui l’a incarné s’est ainsi retrouvé seul sur une croix, entouré de deux brigands. Jésus est resté fidèle au principe qui l’a guidé jusqu’à la fin de sa vie : « Il n’y a pas de plus amour que de sonner sa vie pour ceux que l’on aime » (Jn 15, 13). Cet amour a triomphé. Il a rassemblé à nouveau les foules à Jérusalem pour la Pentecôte, venues célébrer le don de la Loi reçue par Moïse au mont Horeb. Avec Jésus, ce don devient nouveau, tout comme l’est sa pâque. Un monde nouveau commence, le monde ancien se retire… Encore aujourd’hui, et depuis deux mille ans, ce nouveau monde connaît le gémissement dont parle Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 8, 14-23). Ce gémissement nous témoigne que Christ a vaincu la mort, qu’il est bien le Vivant. Et si le Covid-19 en était le porte-parole, le haut-parleur que Dieu prend pour nous le faire comprendre ?

P. Olivier Dobersecq (09.04.2020)

  • Un silence douloureux (Marguerite Didia) (téléchargeable)

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