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La valeur d’un regard

Le droit de visite pour les familles est désormais autorisé pour répondre à leur souffrance et l’inquiétude face au syndrome de glissement.

Le syndrome de glissement est le changement important de comportement d’une personne, le plus souvent âgée, alliée à une soudaine perte d’autonomie. La personne, autrefois plutôt autonome, n’a plus goût à rien. Elle ne veut plus, non plus, se laver, se lever, manger. À cela, s’ajoutent d’importantes angoisses.

Enfin ! Pourrait-on dire.

Mais ce droit de visite ne sera possible qu’à certaines conditions extrêmement limitées :

– « Deux personnes maximum ».

– « Ce sera à la demande du résident et sous la responsabilité des directions d’établissements qui devront dire si cela sera possible et dans quelles conditions, sachant que la sécurité sanitaire reste au cœur de notre projet et qu’il y aura l’impossibilité maintenue de toucher la personne »[1].

Impossibilité de toucher… Le toucher est le seul moyen, dans certains cas, d’établir un lien avec des parents qui ne parlent plus. C’est par le toucher que les échanges se font pour dire l’amour ou l’affection que l’on porte ou pour apaiser. La parole, dans ces cas, étant impossible, ne reste plus que le regard. Ce regard devient alors le moyen privilégié pour communiquer. Il devient essentiel.

Le regard est souvent le dernier moyen de communication chez les paralysés…

Comment définit-on le regard ?

Le regard désigne le mouvement ou la direction des yeux vers un objet ainsi que les yeux lui-même[2]. Ajoutons à cette définition, vers une personne car c’est l’objet de notre propos.

Le regard qui devient ou redevient le premier lien après un temps long de séparation aura une importance parfois vitale dans la reconnexion avec les siens ; « Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux »[3].

Alors…

– Comment éviter le regard clinique ? C’est celui du médecin (du soignant) qui par sa présence, ses paroles et ses soins soulage, aide à supporter la douleur, ou enlever le mal mais conserve l’aspect de celui qui scanne, qui recherche la maladie ou l’origine du mal, avant tout.

– Comment mettre le bon dosage dans le regard pour que les personnes visitées n’y repèrent pas des questions, des inquiétudes, de la tristesse ?

– Comment trouver le bon équilibre dans l’intensité du regard pour laisser transparaître la joie et le bonheur des retrouvailles ? « L’instant fragile de nos retrouvailles »[4] car les premiers instants de visites seront primordiaux pour celui que l’on va revoir après un temps long de séparation. Cet instant est déterminant pour donner ou redonner le sourire, rassurer, apaiser...

Le récit de la passion du Christ (Luc 23, 1-49), que nous avons partagé il y a peu, nous enseigne sur le regard des personnages :

– Celui de la servante qui reconnaît Pierre après l’arrestation de Jésus : « Pierre était parmi eux. Une servante le vit assis près du feu ; elle le dévisagea. » 

« Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre » : le regard de Jésus qui permet à Pierre de se rappeler la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. »

– Lors des trois procès de Jésus, on nous parle du regard que Hérode porte sur Jésus dont il a tant entendu parler et qu’il désirait voir : « À la vue de Jésus, Hérode éprouva une grande joie : depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. »

– Le regard traduisant l’impuissance du peuple assiste à la crucifixion : « Le peuple restait là à regarder. »

– La conversion du centurion : « À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendait gloire à Dieu : ‘Sûrement, cet homme, c’était un juste’. »

L’emploi de tous ces verbes liés à la vue et au regard : dévisager, voir, regarder nous montre la valeur que peut revêtir le regard et comment ce regard peut révéler l’Être.

Tous les disciples, amis et même Marie, sa mère, à distance, suivaient le spectacle du regard. Regard qui reflétait pour certains la culpabilité, la lâcheté ou la honte, pour les autres la joie de faire mourir le Christ, et pour beaucoup d’entre eux, la peur de l’autorité, la peur de mourir ou l’impuissante face à l’inacceptable.

Le film, « La passion du Christ »[5], dans des séquences très fortes, nous montrent les regards que Jésus échange avec les disciples, avec Judas, avec Pierre, et en particulier, avec sa mère Marie. Ces regards en disent longs par la profondeur et la puissance qu’ils reflètent mais aussi par les conséquences que qu’ils ont sur les destinataires. Ces regards sont autant de messages transmis que reçus par le Christ.

Pendant ce temps de confinement, temps (tant) de questionnements pour de nombreuses personnes :

– Quel regard portons-nous sur nous-même ?

– Quel regard portons-nous sur nos actions ?

– Quel est ce regard que nous portons lorsque que nous levons les yeux au ciel ?

– Quel regard porterons-nous désormais sur les personnes que nous visiterons à nouveau, pour qu’elles puissent y puiser la force et l’énergie nécessaires pour continuer de se battre contre la maladie ou l’isolement ?

À la suite de la décision qui autorise les visites en EHPAD, la pastorale de la santé espère que les bénévoles des aumôneries hospitalières, du SEM ainsi que ceux de tous les autres mouvements et services, puissent avoir, prochainement, la possibilité de (re)visiter les personnes fragilisées par l’âge, la maladie ou le handicap.

La pastorale de la Santé reste vigilante et veillera à ce que cette reprise de visite se fasse dans le strict respect des gestes barrières (hygiène des mains, port du masque et distanciation).

Avec tous ceux qui vont reprendre le chemin pour des visites, en particulier dans les EHPAD, nous disons « Quand on tourne vers lui les regards, on est rayonnant de joie et le visage ne se couvre pas de honte. » (Psaume 34, 6).

                                                                                                                                        Marguerite Didia

                                                                                                                                         20.04.2020

 

[1] Olivier Veran – Ministre de la Santé et de la Solidarité.

[2] Wikipédia.

[3] Jacques Brel – Album : Les bonbons (1966).

[4] Christophe – Les mots bleus.

[5] Film de Mel Gibson – Mai 2004.

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